mercredi 26 novembre 2008

Le concile de Bénie-Ile - 1

Il y avait là Parrot IV, grand cardinal, Lord Jossum, intendant de l'île, Perek, cardinal délégué auprès du sénat verougue et Sire Loran, haut dignitaire de l'ordre des templiers, mon seigneur et maître, aux cotés duquel je tenais le rôle d'écuyer, de secrétaire particulier et de scribe. Le grand cardinal prit la parole le premier. C'est un petit homme, au profil d'aigle, connu dans toutes les Folandes pour son interprétation très stricte des textes sacrés.

" Messieurs, je vous remercie d'être présents. Sire ", dit-il en se tournant vers mon maître " je vous suis particulièrement reconnaissant d'être venu de Verlande pour cette importante réunion. Avez-vous fait bon voyage ?
- La mer est mauvaise en cette saison, excellence. Mais il est toujours agréable de revoir Bénie-Ile et de pouvoir se recueillir en ce lieu saint.
- Avez-vous des nouvelles de Sombrerive ?
- Pas très bonnes, hélas. Je peine à réunir une flotte suffisamment importante pour amener les quinze compagnies que j'ai réunies sur Verlande. Vous comprendrez qu'il serait maladroit de débarquer en plusieurs fois. Les rapports récents parlent d'une horde d'au moins deux mille Sangrelins dans le nord de l'île.
- Deux mille ! Que l'Unique ait vos valeureux en Sa sainte garde !
- Nous prions tous pour cela, Excellence. Mais toutes nos prières ne serviront pas à grand chose si je ne trouve pas rapidement du vilain or pour payer ces maudits capitaines de galères qui ne comprennent rien à notre mission sacrée.
- Nous nous entretiendrons de tout cela tous les deux, Sire. Lord Jossum n'a pas son pareil pour obtenir de nos fidèles pèlerins qu'ils contribuent à notre cause sacrée "

Lord Jossum, un gras marchand aux doigts boudinés couverts de bagues, s'inclina avec un sourire fielleux à l'évocation de son nom. Certains soupçonnaient qu'une part importante de l'argent que ses collecteurs obtenaient des pèlerins finissait dans des coffres de BeauxMats ouverts à son nom, sans que cela n'ait pu jamais être prouvé. Comment un tel homme avait-il pu gagner la confiance du grand cardinal ?

" Mais l'heure n'est pas à cette question. Je veux que nous parlions de Libreterre et des Edrulains. Perek a des informations importantes à nous confier qui requièrent toute notre attention. Perek, nous vous écoutons.
- Merci, excellence. Il y a trois mois de cela, trois galères verougues ont essayé de s'emparer d'un petit port situé au nord-est de Libreterre. Une seule en est revenue, avec à peine la moitié de son équipage et de nombreux blessés à son bord "

Je notai l'imperceptible sourire sur les lèvres de mon maitre.

" Depuis combien d'années les Verougues essaient-ils de prendre pied à nouveau sur Libreterre ? Nous nous sommes toujours tenus à l'écart de cette guerre ! En quoi ce nouvel incident nous concerne t'il ?
- Laissez Perek achever, Sire " dit le grand cardinal d'un ton cassant
" Merci, Excellence. Ce qu'il y a d'étrange, pour ne pas dire effrayant, est que les galères ont été attaquées en pleine mer par des dragons.
- Je ne vois là rien de très inquiétant. Tout le monde sait qu'il y a encore des dragons sur Libreterre.
- Ceux-ci étaient montés, Sire. De la même façon que vos braves chevauchent leurs destriers. Et qu'ils étaient menés par des Edrulains ! "

Un grand silence accueillit cette phrase. Le grand cardinal le rompit en parlant d'une voix forte.

" C'est une monstruosité, une abomination sans nom. Nous ne pouvons tolérer cela. Il est temps de ramener les libreterrans à la juste raison
- Nous n'avons pas à nous mêler de cette guerre. Nous avons toujours évité d'intervenir dans les conflits où les deux protagonistes vénéraient celui vers lequel se tournent nos prières.
- Puis-je faire remarquer au haut dignitaire que les libreterrans ne vénèrent pas l'unique mais ce ... Lokar ! Ce dieu impie vers lequel se tournent de plus en plus d'esprits faibles partout dans les Folandes ! " dit Perek avec un sourire mauvais.
" Dieu impie, peut-être, mais qui a su donner à ceux qui le vénèrent assez de force et de courage pour repousser la meilleure armée des Folandes hors de leur île
- Vous en réjouissez-vous, Lord Parrot ?
- Je ne peux que déplorer que des gens en nos îles tournent leurs prières vers d'autres que notre Seigneur. Quand au fait de voir repousser les Verougues, mes voeux de Templier m'obligent à toujours dire la vérité : oui, je me réjouis que les Verougues aient été chassés du Logran.
- Comment pouvez-vous oser affirmer cela ?
- Les Verougues : des conquérants qui font commerce d'esclaves, alors qu'il est écrit 'd'âmes tu ne feras commerce sans mettre la tienne en péril'. Tout leur est bon pour s'enrichir et s'enrichir encore, lever des armées pour conquérir toujours plus de colonies ! Et s'il ne fallait retenir qu'une seule chose positive de cette guerre, ce serait l'apparition des Edrulains. Sans eux, que seraient devenus les elfes de Sombrerive ? C'est le sacrifice des cent Edrulains à la passe des Roches Rouges qui a pu leur donner le temps d'embarquer vers Entreville. Dois-je vous rappeler, Sir Perek, qu'ils ont tenu une semaine à un contre cinquante ?
- La position stratégique de l'endroit s'y prêtait, d'après ce qu'il a été écrit. Je ne doute pas un seul instant que vos templiers eussent fait de même.
- Je n'ai également aucun doute à ce sujet. Mais dois-je rappeler à vos excellences qu'il m'a fallu attendre plus de trois mois qu'elles consentent à me permettre d'embarquer mes preux vers Sombrerive ? Et qu'il était bien trop tard quand l'ordre est arrivé ! "

Le poing de Parrot IV s'abattit avec force sur la table

"Il suffit, Loran. Vos insinuations dépassent toutes les bornes !"

(to be continued)

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